FILLE
Une pièce de Colette RégibeauUne jeune femme gît, morte, ensanglantée, dans une allée de garage sordide. Sa jeune vie terminée on ne sait comment, elle va nous la raconter.
À rebours, par flashes, par petits bouts.
Sa vie, c’est une famille, sa vie, c’est une région, sa vie, c’est une époque.
Pour être précis, une famille-monstre rexiste de l’Est du pays juste après la guerre.
Sa vie, c’était sa famille et cette famille-là l’a broyée, niée, balayée du présent, ancrée dans la guerre, la guerre perdue pour cette famille-là.
Parce que cette famille-là, avec ses fantômes, avec ses morts, avec ses mythes de batailles héroïques et de mots d’ordre désuets, cette famille-là n’était pas une famille mais un cimetière.
Le cimetière du fascisme, le cimetière de la nostalgie.
Et cette jeune Fille nous emmène en murmurant sur les genoux de son père, dans un repas de communion, dans le grand jardin des voix, des images et des tourments du passé, de ce passé qui, à force de peser, l’a empêchée de vivre.
Pour raconter et pour comprendre l’empreinte morbide, l’empreinte des hommes, l’empreinte des pères, l’empreinte des vaincus dans son corps de femme.